PLUME DE POÉSIES
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 François Coppée (1842-1908) La Veillée. IV

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Inaya
Plume d'Eau
Inaya


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François Coppée (1842-1908)  La Veillée.  IV Empty
MessageSujet: François Coppée (1842-1908) La Veillée. IV   François Coppée (1842-1908)  La Veillée.  IV Icon_minitimeMer 27 Juin - 21:59

IV

Le blessé, soulagé d’avoir fait cet aveu,
S’est assoupi. Le sein palpitant, l’oeil en feu,
Irène, près de lui, reste debout, sans larmes.

Oui, son amant est mort. Ce sont bien là ses armes,
C’est bien là son blason aussi fameux qu’ancien,
Et le sang qui noircit ce bijou, c’est le sien!
Ce n’est pas d’une mort héroïque et guerrière
Qu’a succombé Roger, mais frappé par derrière,
Sans pouvoir appeler ses amis, sans crier;
Et cet homme qui dort là, c’est son meurtrier!
C’est bien son meurtrier; il s’est vanté de l’être,
D’avoir frappé Roger dans le dos, comme un traître;
Et maintenant il dort son lourd sommeil épais,
Et c’est à lui qu’Irène a dit: « Dormez en paix! »
Et, comme une suprême et cruelle ironie,
Elle doit de ce front écarter l’agonie,
Rester à ce chevet jusqu’au soleil levant,
Comme une bonne mère auprès de son enfant:
Elle doit lui verser, de quart d’heure en quart d’heure,
Le remède prescrit pour empêcher qu’il meure;
Cet homme y compte bien; il repose, abrité
Sous le toit protecteur de l’hospitalité;
Le flacon qui contient sa vie est sur la table,
Il attend!... N’est-ce pas que c’est épouvantable?

Quoi! lorsqu’elle se sent lentement envahir
Par tout ce que contient d’affreux le mot haïr;
Lorsque gronde en son sein la colère terrible
Qui dirige le bras de Jahel, dans la Bible,
Quand elle cloue au sol le front de Sisarah,
Cet Allemand maudit, elle le sauvera!
Allons donc! On n’est pas à ce point généreuse!
Quand elle cède presque à la pensée affreuse,
À l’atroce désir de tirer du fourreau
Le sabre avec lequel a frappé le bourreau
Et dont brille en un coin le lourd pommeau de cuivre,
Pour obéir aux vains préjugés et pour suivre
On ne sait quel devoir et quel respect humain,
Elle-même mettra dans cette horrible main
Par qui toute sa joie ici-bas fut ravie,
Le repos, le sommeil, la guérison, la vie!
Jamais! Cette fiole, elle va la briser.
Mais non, c’est inutile. Elle n’a qu’à laisser
S’accomplir le destin; pour servir sa vengeance,
Il semble qu’avec elle il soit d’intelligence:
Ce malade, elle n’a qu’à le laisser mourir...
Oui, le remède est là qui pourrait le guérir,
Mais ne peut-elle pas s’être, une heure, endormie?

Puis elle fond en pleurs et s’écrie: « Infamie! »

Et la lutte durait encor, quand l’Allemand,
Tiré de son sommeil par un gémissement,
S’agita dans un rêve, et, fiévreux, dit: « À boire! »

Irène alors leva vers le vieux Christ d’ivoire
Suspendu sur le mur, à la tête du lit,
Un sublime regard de martyre, et pâlit,
Puis, l’oeil toujours fixé sur le Dieu du Calvaire,
Versa le contenu du flacon dans un verre,
Et délicatement fit boire le blessé.

Seigneur, vous avez vu, seul, ce qui s’est passé
Au chevet de ce lit, dans ces heures funèbres,
Lorsque l’Esprit du mal parla dans ces ténèbres:
Vous qui fûtes conduit au désert par Satan
Et n’avez qu’à la fin pu lui dire: « Va-t’en! »
Vous pardonniez, Seigneur, à cette âme tentée.
Lorsque l’épreuve enfin fut par elle acceptée,
Vous seul étiez témoin et vous seul approuviez!
Vous souvenant alors du Mont des Oliviers,
Où frémissant devant l’approche du supplice,
Vous disiez: « Ô mon père, éloignez ce calice! »
Vous avez eu pitié de ce coeur trop puni,
Seigneur, et je suis sûr que vous avez béni!
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François Coppée (1842-1908) La Veillée. IV
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