LETTRE DE M. LE MARQUIS DE CROISMARE À SOEUR SUZANNE.
SUR L'ENVELOPPE ÉTAIT UNE CROIX.
Personne n'est, mademoiselle, plus sensible que je le suis à l'état où
vous vous trouvez. Je ne puis que m'intéresser de plus en plus à vous
procurer quelque consolation dans le sort malheureux qui vous poursuit.
Tranquillisez-vous, reprenez vos forces, et comptez toujours avec une
entière confiance sur mes sentiments. Rien ne doit plus vous occuper que
le rétablissement de votre santé et le soin de demeurer ignorée. S'il
m'était possible de vous rendre votre sort plus doux, je le ferais; mais
votre situation me contraint, et je ne pourrai que gémir sur la dure
nécessité. La personne à laquelle je vous destine m'est des plus chères,
et c'est à moi principalement que vous aurez à répondre. Ainsi, autant
qu'il me sera possible, j'aurai soin d'adoucir les petites peines
inséparables de l'état que vous prenez. Vous me devrez votre confiance,
je me reposerai entièrement sur vos soins: cette assurance doit vous
tranquilliser et vous prouver ma manière de penser et l'attachement
sincère avec lequel je suis, mademoiselle, votre très-humble et
très-obéissant serviteur.
À Caen, ce 21 février 1760.
J'écris à Mme Madin, qui pourra vous en dire davantage.