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 Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.

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MessageSujet: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:30

III Fratricide.

François de Bretagne et sa suite, arrivés à la porte d’entrée du couvent de
Saint-Michel, étaient à vingt-cinq toises environ du niveau de la grève.

François prit la tête du cortège et posa le premier son pied sur les marches de
l’escalier.

Cet escalier, dont les degrés de pierre vont se plongeant dans un demi-jour
obscur, s’ouvre entre les deux tourelles de défense, droites et hautes, percées
chacune de deux créneaux séparés par une embrasure couverte, et conduit à la
salle des gardes.

Il faut parler au passé quand il s’agit des hommes. Mais, pour les pierres, on
peut employer le présent, car ces merveilles en granit sont debout, et c’est à
peine si les fous furieux de 93, les Vandales de tous les âges, et quatre
siècles accumulés ont pu mutiler quelques statues pieuses, écorcher quelques
saints contours. Par exemple, le plâtre, plus fort que les révolutions et que
les années; le plâtre, arme favorite d’Attila- directeur, et d’Erostrate-
entrepreneur de maçonnerie; a rafraîchi bien des vieilleries.

Mais il n’est pas besoin d’aller si loin de Paris pour voir de quoi le plâtre
est capable! Laissons le plâtre. Et pour cela, décidément, parlons au passé.

Vis-à-vis de l’escalier, une vaste cheminée que surmontait l’écusson abbatial,
tenait le centre de la salle des gardes.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:30

L’écusson du cardinal Guillaume d’Estouteville, trente-deuxième abbé de Saint-
Michel, existe encore dans la nef et dans la salle des chevaliers. Il était
écartelé: aux premier et dernier, burellé d’argent et de sable, au lion rampant
du même, accolé d’or, armé et lampassé de gueules sur le tout; aux deuxième et
troisième, de gueules à deux fasces d’or, -l’écu timbré d’un chapeau de cardinal
de gueules et lambrequins de même, surmonté de la croix archiépiscopale. En
coeur, l’écu de France à la bande de gueules pour brisure.

Dans cette salle des gardes, monseigneur l’évêque de Dol, qui devait officier,
attendait son souverain avec le prieur de Saint-Michel et les chanoines de
Coutances.

Le prieur prit la gauche de Guillaume Robert, qui représentait le cardinal-abbé,
et livra les clés au servant chargé d’ouvrir les portes.

Pour arriver à l’église de l’abbaye de Saint- Michel, on ne marchait pas, on
montait toujours.

Il fallut d’abord traverser le grand réfectoire, énorme pièce de style roman, où
la sobriété des détails fait naître une sorte de grandeur pesante qui impose et
qui étonne, les dortoirs, de même style, qui règnent au-dessus, et la salle des
chevaliers.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:30

Elle était bien nommée, celle-là! fière et robuste comme ces géants qui
s’habillaient de fer! lourde, mais bien campée sur ses vigoureux piliers et
respirant, du sol à sa voûte, la majesté rude du soldat chrétien.

Comme style, c’était le roman arrivant au gothique, le pilier obèse se faisant
plus musculeux, le cintre caressant la naissance de l’ogive.

Ils montèrent encore, lentement, les moines chantant les hymnes de mort, les
hommes d’armes silencieux et recueillis, les femmes voilées, le duc pâle.

Le duc pâle, qui tremblait sous les voûtes froides, et qui murmurait au hasard
une prière.

Son coeur ne savait pas que sa bouche parlait à Dieu.

Et Dieu n’écoutait pas.

Au-dessus de la salle des chevaliers, le cloître.

L’Aire de Plomb, comme on l’appelait, parce que la cour, comprise entre les
quatre galeries, était recouverte en plomb, pour protéger la voûte de la salle
inférieure.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:30

À mesure qu’on montait, le roman disparaissait pour faire place au gothique, car
l’histoire architecturale du Mont-Saint-Michel a ses pages en ordre, dont les
feuillets se déroulent suivant l’exactitude chronologique.

Le soleil de midi éclairait le cloître, qui apparut aux pèlerins dans toute sa
riche efflorescence: Un carré parfait, à trois rangs de colonnettes isolées ou
reliées en faisceaux qui se couronnent de voûtes ogivales, arrêtées par des
nervures délicates et hardies.

Le prodige ici, c’est la variété des ornements dont le motif, toujours le même,
se modifie à l’infini dans l’exécution, et brode ses feuilles ou ses fleurs de
mille façons différentes, de telle sorte que la symétrie respectée laisse le
champ libre à la plus aimée de nos sensations artistiques: celle que fait naître
la fantaisie.

Aussi, cette échelle de soixante pieds que nous venons de gravir, depuis la base
des tourelles jusqu’à l’aire de plomb, en passant par la salle des gardes, le
grand réfectoire, le dortoir, la salle des chevaliers, le cloître, avait-elle
reçu, des visiteurs éblouis, le nom générique de la Merveille.

À l’angle nord du cloître, il y avait un tronc de bois sculpté, devant lequel
monsieur le prieur s’arrêta en faisant sonner son bât.

-Monsieur Gilles de Bretagne dit-il, dont Dieu ait l’âme en sa miséricorde, mit
dans ce tronc quarante écus nantais, en l’an trente-sept, le quatrième jour de
février.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:31

François prit une poignée d’or dans son escarcelle, la jeta dans le tronc, se
signa et passa.

La procession tourna l’angle du cloître pour gagner la basilique.

Mais ce n’est pas le grand soleil qu’il faut à cette architecture sarrasine pour
qu’elle répande tout ce qui est en elle de mystérieux et de pieux.

Ses grâces un peu bizarres, ses effets imprévus en quelque sorte romanesques,
ont plus besoin d’ombre encore que de lumière.

Et cela est si vrai, que nous assombrissons à plaisir les vitraux de nos
cathédrales, afin que le jour glisse à la fois moins clair et plus chaud dans
ces forêts de granit qui ont leurs racines sous le marbre de la nef et qui
entrelacent à la voûte leurs branches feuillées ou fleuries.

La basilique de Saint-Michel n’était pas entièrement bâtie à l’époque où se
passe notre histoire. Le couronnement du choeur manquait; mais la nef et les bas
côtés étaient déjà clos.

L’autel se dressait sous la charpente même du choeur qui communiquait avec le
dehors par les travaux et les échafaudages.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:31

Le duc François s’arrêta là. Il ne monta point l’escalier du clocher qui conduit
aux galeries, au grand et au petit Tour des fous et enfin à cette flèche
audacieuse où l’archange saint Michel, tournant sur sa boule d’or, terrassait le
dragon à quatre cents pieds au-dessus des grèves1.

Les tentures funèbres cachaient la partie du choeur inachevée. Les moines se
rangèrent en demi-cercle, autour de l’autel.

La grosse cloche du monastère tinta le glas.

Les six dames du deuil s’agenouillèrent sur des coussins de velours, derrière le
dais qu’on 1 Le campanile et l’archange qu’il supportait ont été détruits par la
foudre.

avait tendu pour le duc François.

Jeanne de Bruc et Yvonne-Marie de Coëtlogon occupèrent les deux premiers
coussins.

Elles représentaient madame Isabelle d’Écosse, duchesse régnante et Françoise de
Dinan, veuve du prince décédé.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:31

Parmi les gentilshommes, Malestroit représentait monsieur Pierre de Bretagne,
frère du duc, et le vaillant Jean Budes, souche de la maison de Guébriant, se
mit aux lieu et place d’Arthur de Bretagne, connétable de Richemont, absent pour
le service du roi de France.

Aux frises tendues de noir, la devise de Bretagne courait en festons sans fin,
montrant, tantôt l’un, tantôt l’autre de ses quatre mots héroïques: Malo mori
quam faedari.1 La foule emplissait les bas côtés.

Dans la nef, les hommes d’armes étaient debout, séparés de leur souverain et des
religieux par la balustrade du choeur.

1 Allusion au blanc écusson d’hermine: J’aime mieux mourir que me salir.

Cette obscurité que nous demandions tout à l’heure pour les oeuvres de l’art
gothique, la basilique de Saint-Michel l’avait à profusion ce jour-là. Le noir
des tentures, couvrant la demi- transparence des vitraux, laissait à peine
passer quelques rayons, et la lueur des cierges luttait victorieusement contre
ces pâles clartés.

Il régnait sous la voûte une tristesse grave et profonde.

Et aussi, mais nul n’aurait su dire pourquoi, une sorte de mystique terreur.

L’office commença.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:31

François était juste en face du cercueil vide qui figurait la bière absente,
pour les besoins de la cérémonie.

On dit qu’il tint les yeux baissés constamment et que son regard ne se tourna
pas une seule fois vers le drap noir où des lettres d’argent dessinaient le
chiffre de son frère.

Les moines récitaient les oraisons d’une voix lente et cadencée. La foule et les
chevaliers répondaient.

On dit que pas une fois les lèvres décolorées de François ne s’ouvrirent pour
laisser tomber les répons.

On dit encore qu’à plusieurs reprises son corps chancela sur le noble siège que
lui avaient préparé les moines.

On dit enfin que lors de l’absoute sa main laissa échapper le goupillon bénit...

Mais ce fut pendant l’absoute que se passa la scène étrange et mémorable qui
sans doute fit oublier les détails qui l’avaient précédée.

Cette scène, la basilique de Saint-Michel en gardera éternellement le souvenir.

Le doigt de Dieu toucha ce front que ne pouvait atteindre le doigt de la justice
humaine.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:31

Au moment où le duc François se levait pour jeter l’eau sainte sur le
catafalque, et comme monsieur le sénéchal de Bretagne jetait ce cri sous la
voûte sonore: -Hommes d’armes! à genoux! Au moment où les six chevaliers du
deuil, baissant la pointe de l’épée, entraient dans le choeur pour se ranger
autour du cénotaphe, un moine parut tout à coup derrière le cercueil vide.

Personne n’aurait su dire d’où sortait ce religieux, car toutes les stalles
restaient remplies et nul mouvement ne s’était fait à l’entour du choeur.

Le moine se dressa de toute sa hauteur, développant la bure raide de sa robe et
ne montrant qu’une main qui tenait un crucifix de bois.

-Arrière, duc! prononça-t-il d’une voix retentissante.

Le duc François s’arrêta.

Reine de Maurever trembla sous son voile.

Aubry tressaillit. Il avait reconnu cette voix.

Dans le choeur et dans la nef on se regardait.

La stupéfaction était sur tous les visages.

Cependant monseigneur l’évêque de Dol ne bougeait pas. Procureur, prieur et
religieux durent imiter son exemple.

Le moine inconnu tourna le cénotaphe et vint à la rencontre du duc.

-Que veux-tu? balbutia ce dernier.
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MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide. Icon_minitimeJeu 7 Fév - 13:31

-Je viens à toi de la part de ton frère mort, répondit le moine.

Un frisson courut dans toutes les veines.

Méloir seul semblait curieux plutôt qu’effrayé.

Il s’avança jusqu’à la balustrade pour mieux voir.

Aubry l’y avait précédé.

-Qui es-tu? prononça encore le duc François, dont la voix défaillait.

Le moine, au lieu de répondre cette fois, jeta en arrière le large capuchon de
son froc et découvrit une tête de vieillard, énergique et calme, couronnée de
longs cheveux blancs.

Un nom passa aussitôt de bouche en bouche.

On disait: -Hue de Maurever! l’écuyer de M. Gilles! Méloir hocha sa tête coiffée
de fer, comme on fait quand le mot longtemps cherché d’une énigme vous apparaît
à l’improviste.

Aubry, qui respirait à peine, se tourna vers l’endroit de la nef où les dames
étaient agenouillées.

Reine était immobile. Les draperies de son voile semblaient taillées dans le
marbre.

Le prétendu moine, cependant, avait le front haut et l’oeil assuré. Il regardait
en face François de Bretagne dont les paupières se baissaient.

Sa voix se fit grave, et son accent plus solennel.
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