PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.

Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
AuteurMessage
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:26

XII Les Mirages.

-Oses-tu bien m’arrêter, malheureux enfant! dit la fée en grossissant sa douce
voix.

-Oh! bonne dame! bonne dame! répliqua Jeannin d’un accent larmoyant, mais en la
serrant plus fort, tout le monde sait que je ne suis pas brave. Si je risque ma
vie, c’est que je ne peux pas faire autrement, allez! -Et je si te la prenais,
ta vie? -Bonne fée! je suis un poltron, c’est connu, mais on ne meurt qu’une
fois, et j’aime mieux mourir que de voir Simonnette mariée à ce vilain coquin de
Gueffès. -Lâche-moi! -Non pas, bonne fée! s’écria Jeannin, vivement; si je vous
lâchais, vous vous changeriez en brouillard! -Mais je puis me venger sur
Simonnette.

Jeannin frémit de tous ses membres.

-Voilà, par exemple, qui serait bien méchant de votre part! murmura-t-il, car
Simonnette ne vous a rien fait, la pauvre fille! -Lâche-moi, te dis-je! -
Écoutez, bonne fée, une fois pour toutes, je ne vous lâcherai pas que vous ne
m’ayez donné cinquante écus nantais. C’est dit.

La fée avait laissé tomber son panier sur le sable. L’escarcelle du chevalier
Méloir était à sa ceinture.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:26

Le petit Jeannin avait prononcé ces dernières paroles d’un ton respectueux, mais
déterminé.

Il y eut un court silence, pendant lequel on n’entendit que le sifflement du
vent du large et la trompe lointaine des cavaliers bretons qui se ralliaient
dans la nuit.

-Ce vent annonce que la mer monte, n’est-ce pas? demanda brusquement la fée.

-Oh! dit Jeannin qui se mit à sourire; vous connaissez les grèves aussi bien que
moi, bonne dame... quoique je vous aie attrapée, ajouta-t-il, comme si une idée
lui fût venue tout à coup, à la mare de Cayeu, qui n’arrêterait pas un enfant de
huit ans. Enfin, n’importe; ça vous amuse de faire l’ignorante. Oui, bonne fée,
ce vent annonce que la mer monte.

-Montera-t-elle vite, aujourd’hui? -Assez.

-Combien faut-il de temps pour aller d’ici au Mont-Saint-Michel? -Vous me le
demandez? La fée frappa son petit pied contre le sable.

-Un gros quart d’heure, en courant comme nous le faisions, ajouta Jeannin.

-Et la mer fermera la route? -À peu près dans une demi-heure.

La fée prit l’escarcelle à sa ceinture et la jeta sur le sable, où les écus
parlèrent leur langage joyeux.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:27

Jeannin poussa un grand cri d’allégresse, lâcha la fée et se précipita sur
l’escarcelle.

Mais un doute le prit soudain.

-Si c’était de la monnaie du diable! se dit-il.

Il se retourna vivement, pensant bien que la fée était déjà à mi-chemin des
nuages. La fée était debout à la même place.

Et le petit Jeannin remarqua pour la première fois combien sa taille était fine,
noble et gracieuse.

On ne voyait point son visage, mais Jeannin, en ce moment, la devina bien belle.

-Enfant, dit-elle, d’une voix triste et si douce que le petit coquetier se
rapprocha d’elle involontairement, ne montre cette escarcelle à personne, car
elle pourrait te porter malheur.

-Il faudra pourtant bien la porter à Simon Le Priol, pensa Jeannin.

-Simonnette est belle et bonne, reprit la fée; rends-la heureuse.

-Oh! quant à ça, soyez tranquille! -Prie Dieu pour monsieur Hue de Maurever, ton
seigneur, qui est dans la peine, poursuivit encore la fée, et s’il a besoin de
toi, sois prêt! -Dam! fit Jeannin avec embarras, je ne suis pas bien brave, vous
savez, bonne dame! Mais c’est égal, je commence à croire que je deviendrai un
homme un jour ou l’autre! Et, tenez, j’avais bonne envie des cinquante écus
nantais, n’est-ce pas, puisque j’ai osé courir après vous pour les avoir? Eh
bien! ce soir, le chevalier qui est là-bas m’a dit: « Si tu veux me livrer le
traître Maurever, tu auras cinquante écus nantais ». Moi, j’ai pris mes jambes à
mon cou...
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:27

-Est-ce que tu sais où se cache monsieur Hue? demanda la fée.

-Je pêche quelquefois du côté de Tombelène, répondit Jeannin qui eut un sourire
sournois.

La fée tressaillit, puis elle lui prit la main.

Jeannin trembla bien un peu, mais ce fut par habitude.

-Si on t’appelait au nom de la Fée des Grèves, dit-elle, viendrais-tu? -Par ma
foi, oui! répondit Jeannin sans hésiter; maintenant, j’irais! -C’est bien...
souviens-toi et attends. Adieu! La fée franchit d’un bond la queue de la mare
Cayeu.

Le vent du large prit son voile qui flotta gracieusement derrière elle. Jeannin
resta frappé à la même place.

C’était à présent que lui venait la terreur superstitieuse.

Un instant, lorsque la fée avait prononcé le nom de Hue de Maurever, une idée
avait voulu entrer dans l’esprit du petit Jeannin.

-Mademoiselle Reine... s’était-il dit.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:27

-Ou son Esprit peut-être, avait-il ajouté, puisqu’on dit qu’elle est défunte!
Nous avons glissé à dessein sur la partie prosaïque de la scène.

Par exemple, nous n’avons parlé qu’une seule fois du panier de la fée.

Jeannin n’avait sans doute pas vu ce panier, qui n’allait pas bien à une fée,
mais qui eût été tout à fait mal séant pour un Esprit.

Un Esprit n’ira jamais porter un panier contenant des poulets (ô poésie!), un
pain et un flacon de bon vin vieux.

Non. Un Esprit est incapable de cela.

Jeannin, cependant, renonça bien plus vite à l’idée de Reine de Maurever vivante
qu’à l’idée de Reine fantôme.

Et vraiment, il ne faut pas voir les choses sur ces grèves si l’on veut rester
dans la réalité.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:27


Tout y revêt un cachet fantastique. La lumière, source et agent de tout
spectacle, s’y comporte autrement qu’en terre ferme. De même que l’objet le plus
commun placé au centre du kaléidoscope brille tout à coup et se teint de
couleurs imprévues, de même les conditions de l’atmosphère, la nature du sol,
quelque chose enfin qu’il importe peu de définir ici, font de ces grèves un
immense appareil où la dioptrique et la catoptrique...

Hélas! bon Dieu, où allons-nous? L’auteur affirme sous serment qu’il a trouvé
ces deux mots redoutables dans un almanach.

Pour en revenir aux merveilles de nos grèves, aux mille jeux de lumière qui
trompent l’oeil des riverains eux-mêmes et des Montois, il faut dire qu’aucun
appareil de physique n’en pourrait donner une idée. Pas n’est besoin d’aller au
Sahara pour voir de splendides mirages.

Les sables de la baie de Cancale reflètent des fantaisies aussi brillantes,
aussi variées que les sables d’Afrique. La pâle lune des rivages bretons évoque
des féeries comme le brûlant soleil de Numidie.

Ce sont là des miraculeuses visions, des rêves inouïs que nulle imagination
n’inventerait, même dans le délire de la fièvre.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:27

La grève, comme un magique miroir, trahit alors les secrets d’un monde qui n’est
pas le monde des hommes.

J’ai vu là des bocages enchantés voguant parmi les nuées qui bercent mollement
l’île d’Armide plus belle que dans les songes du Tasse; j’ai vu les froides et
nobles lignes du paysage grec, la perspective sans fin des Champs- Élysées; j’ai
vu Babylone et ses terrasses orgueilleuses portant des orangers plus hauts que
les chênes de nos bois.

J’ai vu, et c’était un fantôme, la forêt morte, la vieille forêt de Scissy,
prolongeant ses massifs dans la mer et couvrant de son ombre sacrée Tombelène,
le lieu des sacrifices humains.

Plus loin, c’était une flotte qui allait toutes voiles déployées, cinglant sur
les tangues à sec.

Plus loin une procession muette déroulant la pourpre et l’or de ses anneaux
infinis.

Plus loin encore, un pauvre rideau de peupliers, devant la maison aimée...

Illusions! illusions! mensonges qui ravissent ou qui font pleurer! Mais sous
lesquels il n’y a que les sables nus attendant leur proie.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:28

Oh! non, ce n’était pas une femme mortelle, l’être que voyait le petit Jeannin
aux rayons de la lune! Elle courait. Mais Jeannin voyait bien que son pied
n’effleurait pas même les lises brillantes, où le pied d’un chrétien se serait
enfoncé jusqu’à la cheville.

Elle courait, mais c’était son écharpe et son voile, déployés au vent, qui la
portaient.

Parmi ces étincelles que la lune arrache aux tangues mouillées, elle passait
comme dans une pluie d’or...

Et tout à coup le sol s’abaissa. La fée monta.

Elle glissait dans les nuages.

Puis ce fut autre chose: Jeannin se repentit amèrement de lui avoir dit que la
mer mettait une demi-heure à revenir.

Car la mer venait.

La mer passait, lisse comme une lame de cristal, sous les pieds de la jeune
fille.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:28

Mais les pieds de la jeune fille ne s’y mouillaient point.

Oh! que c’était bien la fée, la fée du récit de Simon Le Priol! la fée du
chevalier breton qui courait sur les vagues...

Un nuage cacha la lune. La fée disparut.

Le petit Jeannin pesa l’escarcelle dans sa main, et reprit tout pensif le chemin
du village de Saint-Jean.

Il possédait cette fortune qu’il avait souhaité avec tant de passion, les
cinquante écus nantais qui devaient le rendre si heureux; et pourtant sa tête
pendait sur sa poitrine.

Ce n’était pas la mer que le petit Jeannin avait vu sous les pieds de la fée,
c’était le mirage de la nuit.

Jeannin connaissait trop bien les marées, lui qui vivait les jambes dans l’eau
depuis sa première enfance, pour s’être trompé d’une demi- heure.

On a dit souvent que, dans les grèves de la baie de Cancale, la mer monte avec
la vitesse d’un cheval au galop.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Empty
MessageSujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.   Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages. Icon_minitimeLun 18 Fév - 14:28

Ceci mérite explication.

Si l’on a voulu dire que la marée partant des basses eaux, gagnait avec la
rapidité d’un cheval qui galope, on s’est assurément trompé.

Si l’on a voulu dire, au contraire, qu’un cheval, partant du bas de l’eau en
grande marée, aurait besoin de prendre le galop pour n’être point submergé, on
n’a avancé que l’exacte vérité.

Cela tient à ce que la grève, plate en apparence, a, comme nous l’avons déjà
dit, des rides, -des plans, suivant le langage des sculpteurs, -des endroits où
la tangue cède d’une manière presque insensible, mais suffisante pour attirer le
flot, justement à cause de l’absence de pente générale.

Ces défauts de la grève forment quand la mer monte, des espèces de rivières
sinueuses qui s’emplissent tout d’abord et qu’il est très difficile d’apercevoir
dès la tombée de la brune, parce que ces rivières n’ont point de bords.

L’eau qui se trouve là ne fait que combler les défauts de la grève.

De telle sorte qu’on peut courir, bien loin devant le flot, sur une surface
sèche et être déjà condamné. Car la mer invisible s’est épanchée sans bruit dans
quelque canal circulaire, et l’on est dans une île qui va disparaître à son tour
sous les eaux.
Revenir en haut Aller en bas
 
Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XII Les Mirages.
Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant
 Sujets similaires
-
» Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XI Course A La Fée.
» Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. I La Cavalcade.
» Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. III Fratricide.
» Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves.XIX Le Départ.
» Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXX Où Maître Vincent Gueffès Est Forcé D’Admettre L’Existence De La Fée Des Grèves.

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: